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Pourquoi notre époque est-elle autant auto-voyeuriste? auto video-surveillée? Alors que les people s’emportent contre les paparazzis, s’indignant dès qu’un peu de leur intimité leur est volée, pourquoi le commun des mortels a-t-il – à l’inverse – cette frénésie de montrer chaque seconde de sa vie, de teller sa story au reste du monde, 24h/24 (ou presque)? Instagram, Twitter, blogs de mode en pagaille dont on est (soi-même) à la fois la vedette et l’impresario… La faute à une civilisation de l’ego ou de l’auto-voyeurisme selon certains, peur de sa propre disparition selon d’autres: n’est-ce pas en effet la peur de la mort et de l’éphémère, qui incite à « pérenniser » en diffusant à la terre entière ce macaron – même infâmement instagramé aux côtés d’un Vuitton monogrammé, et même si tout le monde s’en fout… – dégusté au coucher du soleil?… Quitte à massacrer, ainsi, irrémédiablement, la splendeur précieuse de l’instant vécu dans ce qu’il a de plus intime, de plus précieux et de plus personnel… Besoin de s’étaler, attitude auto-liberticide de non-anonymat total… Alors même que tout le monde s’insurge contre l’essor de la vidéo-surveillance?… Besoin d’être sa propre star… Génération moi.com… Alors, le web rend-il megalo? Ou alors complètement maso, comme ceux qui soumettent quotidiennement leur apparence physique à l’évaluation de la terre entière? Ce qui est sûr, c’est que le moi est devenu LE sujet principal de la blogosphère, le coeur du sujet de toute @twitterie, @instagramerie, ou @face-de-bouc… Terrible civilisation du miroir où tout nous ramène à notre propre reflet, et à la construction savante de celui-ci, quitte à moins ressembler à nous-mêmes qu’au personnage que nous nous créons dans cette gigantesque et planétaire cour de récré virtuelle où chacun joue à se déguiser, à: « on dirait que toi tu serais célèbre »… et déciderait fermement de devenir le monograme de soi-même. En fait, ça doit être ça, le but du jeu: faire de moi.com une marque déposée, un monograme, bref, un it-moi.

Salvador Dalì, Les Métamorphoses de Narcisse, 1937